Création, partage et frustration – Jour 6 #Cabanou2020

La surprise du jour vous est proposée par un artiste que j’ai d’abord découvert via le super concept des ateliers Laché Chivé, mais également via l’émission Kòn Lanbi – Mizik Jòdi et dont j’admire la discographie, particulièrement le projet « Caresse d’une feuille de canne ». C’est un honneur de le compter parmi les participants de ce calendrier, merci à lui, belle découverte à vous !

Alychouette

EDS. est un artiste issu de la scène hiphop créole. Auteur de plusieurs albums en groupes (Sked Skwad / Laché Chivé) et en solo (Exercice de Style, Soufre Pelé, La Caresse d’une Feuille de Canne). Avec en chemin l’organisation de concerts, l’animation d’ateliers et d’émissions de radio.

2020 ? L’année de la frustration.

Je ne lui en veux pas. Artiste amateur, alternatif, indépendant, martiniquais… J’ai épousé la frustration il y a longtemps. Kité noces de porcelaine dèyè, kontinié monté !

Mais je trompe souvent la frustration avec ses sœurs jumelles : la création et le partage. Tant que je crée, tant que j’ai des occasions de partager, j’oublie qui je retrouve à la maison.

2020, c’est l’année de mon 1er concert chez moi.

En Martinique, pour la présentation de mon livre-album La Caresse d’une Feuille de Canne. C’était fin mars à Fort-de-France. Bien sûr, il n’a pas eu lieu. Confinement.

2020, c’est l’envie de produire un nouvel album, déjà. Parce que je suis rentré au pays (d’à côté) il y a juste deux ans. Parce qu’une autre énergie est née, parce qu’il se passe des choses sur place qui me donnent un sentiment d’urgence. Parce que de nouveaux morceaux naissent. MAIS confinement. 

Pas de home studio. Pas de concerts. Pas de salles. Personne. La culture, « non essentielle ».

Dans ce désert scénique, deux oasis me maintiennent à flot (merci le Café Papier et la Garden Block Party au Mémorial ACTe !). Mais le partage, c’est compromis.

Par contre l’autre, la création… Je crois qu’elle s’accommode de la frustration finalement. Quand la logique, le bon sens, le télétravail, voudraient qu’on la mette de côté, elle surgit quand même, trouve un chimen chien pour s’exprimer.

Au fond, 2020 est une année où tu te demandes pourquoi.

À quoi bon. Kité sa tonbé. Et malgré tout, l’envie est toujours là. Le besoin se fait même plus pressant, inconscient qu’il est. Il ne peut pas pli sanfouté des complaintes du porte-monnaie, de la fatigue, de l’usure. Il crie plus fort.

Alors tu mets ton téléphone en mode dictaphone, tu t’enfermes dans ta voiture qui tiendra lieu de cabine, tu t’appliques pour enregistrer ta voix le plus proprement possible. Tu l’envoies au compositeur qui habite au Brésil, en passant elle récupère la voix d’un chanteur de Martinique, puis elles atterrissent chez l’ingé son qui en sort un morceau. Avec les moyens du bord. Débouya. 

Parce que le confort, qui était déjà sommaire (cf. alternatif, amateur, indépendant…) sera encore plus restreint. 

Parce qu’on devra peut-être jouer dans des salles encore plus petites (pour celles qui n’auront pas fermé), devant un public plus rare. Et payés encore plus à l’arrache. 

Alors si l’art, la musique, dégringolent dans l’échelle des priorités, nous nous y accrochons. Bizarrement encore plus. Et est-ce vraiment bizarre, finalement ?

2020, c’est le bonheur de proposer, quand tout semble s’y opposer.

C’est prendre le micro face à un public masqué.

2020, c’est ce nouvel album qui ne sera pas prêt. Oui. Ce sont deux morceaux sortis. Confinés. 

An Chimen avec Edmond Mondésir et Boris Reine-Adélaïde.


Post-Colon Tivoli, hommage à Roland Pierre-Charles, avec Sinké et Alphaaz

Enregistrés entre Baie-Mahault, Trinité, Paris et Sao Paulo.
Dans une voiture, sur un téléphone. Et c’est la satisfaction de leur donner vie

Coups de cœur 2020

1/ Le Verzuz de Beenie Man et Bounty Killer !!

Cette foi, ce dévouement au dancehall, à l’art du MCing. Catalogue de légende et exigence de performance. Inspiration !

2/ The 40 year-old version (sur Netflix).

Un film qui m’a remis au travail, un an avant mes propres 40 ans. C’est la puissance d’un texte, Poverty Porn, de l’auteure-réalisatrice-maîtresse de cérémonie Radha Blank. Difé. 

Retrouvez EDSmusiq sur BANDCAMP | INSTAGRAM | FACEBOOK | YOUTUBE 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *